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Pourquoi le dollar américain demeure-t-il l’une des principales monnaies de réserve?

 

Quelle est la probabilité que le dollar américain conserve sa position de principale monnaie de réserve mondiale dans les années à venir? Roger Aliaga-Díaz, économiste en chef pour les Amériques chez Vanguard, et Josh Hirt, économiste principal, discutent de la domination du dollar, de son utilisation généralisée comme monnaie de réserve et de l’émergence éventuelle de monnaies concurrentes.

 

En quoi consistent les monnaies de réserve et pourquoi sont-elles importantes? Pourquoi le dollar américain est-il la mesure privilégiée depuis si longtemps?

 

Roger Aliaga-Díaz : De manière générale, une monnaie de réserve internationale aide les investisseurs mondiaux et les gouvernements d’États souverains à effectuer des opérations cruciales, comme régler les paiements pour les exportations et les importations de biens et de services entre les pays, effectuer des investissements de portefeuille à l’échelle mondiale, emprunter des fonds et fixer les prix des produits de base comme le pétrole ou l’or. 

Les monnaies de réserve internationales sont la pierre angulaire du commerce mondial et du système financier mondial. Toute opération commerciale ou financière entre deux ou plusieurs parties est toujours effectuée en échangeant de l’argent. La monnaie qui est largement reconnue comme le moyen d’échange dans toutes les opérations est appelée monnaie de réserve internationale. Tous les prix internationaux, les contrats internationaux et les opérations financières sont présentés en unités de monnaie de réserve. Depuis la Seconde Guerre mondiale, le dollar américain a été la monnaie de réserve internationale de premier plan. 

De plus, les investisseurs mondiaux, les gouvernements et les fonds souverains considèrent généralement les monnaies de réserve comme des valeurs refuges pour protéger leurs actifs en période d’incertitude accrue comme lors d’événements géopolitiques, de crises financières et de périodes d’agitation politique intérieure. Il s’agit de la caractéristique de « réserve de valeur » des monnaies de réserve internationales. 

 

Josh Hirt : Il y a trois principales raisons pour lesquelles le dollar américain demeure la monnaie de réserve de choix à l’échelle mondiale. Premièrement, les États-Unis sont traditionnellement un pays souverain solide, soutenu par une croissance économique robuste et soutenue. La deuxième raison est la nature démocratique du gouvernement américain et de ses institutions. La communauté internationale a confiance dans la stabilité de nos structures globales et dans les normes en matière de droits de propriété que nous maintenons. Troisièmement, il y a le degré d’inertie, soit la difficulté de changer la structure de la finance mondiale, qui s’articule autour du dollar et des marchés financiers américains. Les pays concurrents peuvent présenter certaines de ces facettes, mais les États-Unis possèdent les trois avantages.

 

Pourquoi le dollar a-t-il perdu du terrain en tant que monnaie de réserve au cours des dernières décennies?

Roger Aliaga-Díaz : L’une des principales raisons est la mondialisation significative observée au cours des dernières décennies et la croissance économique connexe dans de nombreuses économies. Dans l’ensemble, cela a eu un effet positif sur le système financier mondial. À mesure que l’économie mondiale croît, le volume des flux financiers mondiaux et du commerce international augmente à un rythme rapide, encore plus rapide que la croissance de l’économie américaine. Par conséquent, la demande mondiale de monnaies de réserve commence à dépasser la capacité des États-Unis – le seul émetteur du dollar américain – de la satisfaire. Depuis le lancement de l’euro dans les années 1990, certaines activités internationales se sont tournées vers cette monnaie et, dans une moindre mesure, vers d’autres monnaies importantes des marchés développés, comme le yen japonais et la livre sterling. Plus récemment, un volume modeste, mais croissant, d’opérations mondiales se font en yuans chinois. 

 

Josh Hirt : La possibilité que le dollar perde de l’importance en tant que monnaie de réserve est un sujet de discussion récurrent dans l’histoire récente. La question a beaucoup été abordée à la fin des années 1990, lorsque l’euro a été introduit sur les marchés financiers mondiaux, et à nouveau à la fin des années 2000, dans le contexte de la crise financière mondiale et de la montée subséquente de la Chine au sein de la structure mondiale du pouvoir. Mais aucun de ces événements n’a eu l’effet auquel la plupart des observateurs s’attendaient. 

 

Que faudrait-il pour que le dollar soit supplanté en tant que monnaie mondiale dominante?

Josh Hirt : En bref, il faudrait qu’une autre monnaie soit largement adoptée à l’échelle mondiale pour que la domination du dollar soit entamée. L’utilisation des monnaies de réserve implique des placements, mais aussi dans des échanges commerciaux mondiaux. Malgré certaines annonces récentes de pays qui contournent l’utilisation du dollar dans les contrats commerciaux, le dollar américain demeure la monnaie de choix pour les opérations internationales.

 

Le dollar américain surpasse de loin ses rivaux en tant que monnaie mondiale 

 

Remarques : Le graphique montre l’utilisation généralisée de chaque monnaie au-delà des frontières, en utilisant des moyennes pondérées de cinq mesures : la part de la monnaie dans les réserves divulguées à l’échelle mondiale (pondération de 25 %), le volume des opérations de change (25 %), l’émission de titres de créance libellés en devises (25 %), les devises et créances bancaires internationales (12,5 %), les devises et passifs bancaires internationaux (12,5 %). Le renminbi est la monnaie de la Chine et le yuan est la principale unité de la monnaie. 

Sources : Les calculs de la Réserve fédérale américaine sont fondés sur des données en date du 31 décembre 2022 provenant du Fonds monétaire international, de la Banque des règlements internationaux et de Refinitiv.

 

Roger Aliaga-Díaz : Malgré la baisse de la part des titres libellés en dollars américains ces deux dernières décennies, de 71 % en 1999 à 58 % en 2022, le dollar demeure de loin le principal actif de réserve mondial. Nous ne nous attendons pas à ce que cette marge continue de diminuer au même rythme au cours des prochaines années, en grande partie parce que nous croyons que l’effet maximal de la mondialisation est derrière nous. Le dollar américain est bon marché et très liquide; il demeure donc dominant.

 

 

Baisse de la part des réserves en dollars américains attribuable à la mondialisation

 

Remarque : La catégorie « Autres » désigne un panier de monnaies dominé par le dollar canadien, le dollar australien et le won sud-coréen.

 Sources : La Réserve fédérale américaine et le Fonds monétaire international. Données au 31 décembre 2022. 

 

 

Quelles sont les conséquences de la domination du dollar?

Josh Hirt : Le fait d’avoir une monnaie mondiale dominante se traduit par une forte demande pour nos instruments de créance, ce qui est avantageux pour les entreprises et les consommateurs américains en raison de la liquidité et de la stabilité de leur monnaie. Théoriquement, cela leur permet également d’emprunter à des taux inférieurs à ceux du reste du monde. Selon certaines estimations, les économies de taux d’intérêt s’élèvent à environ 1 %, ce qui, multiplié par les quelque 8 000 milliards de dollars de titres du Trésor américain détenus à l’étranger, se traduit par des économies annuelles d’environ 80 milliards de dollars pour le gouvernement américain au chapitre des paiements d’intérêts. 

De plus, le fait d’être l’émetteur de la monnaie de réserve mondiale génère une autre source de revenus pour le gouvernement américain. Ces revenus de « seigneuriage » représentent le pouvoir d’achat créé par l’impression de nouveaux billets en dollars américains. Étant donné qu’environ la moitié des 2 300 milliards de dollars de billets et de pièces en circulation sont détenus à l’étranger et que l’économie mondiale croît en moyenne de 3 % par année, la part des nouveaux billets destinés à l’étranger s’élève à environ 35 milliards de dollars, selon les plus récentes données de la Fed à la fin de 2022. 

Roger Aliaga-Díaz : Il existe un autre avantage, mais il peut aussi être désavantageux. En période de turbulences, les ruées vers les valeurs refuges augmentent la demande de dollars américains et d’obligations du Trésor américain libellées en dollars. Cela devient un important facteur favorable lorsque les décideurs américains tentent de stimuler l’économie américaine. Les ruées vers les valeurs refuges exercent des pressions à la baisse sur les taux d’intérêt au moment même où la Fed souhaiterait assouplir les conditions monétaires, créant ainsi de la place pour toute mesure de relance budgétaire en réduisant le coût de la dette. En revanche, si la ruée vers les valeurs refuges a lieu en période économique normale pour les États-Unis, les flux exercent des pressions à la hausse sur la valeur du dollar, qui s’apprécie alors davantage que les autres monnaies, ce qui peut nuire au commerce américain. 

Dans l’ensemble, le fait que le dollar américain soit la monnaie de réserve mondiale présente plus d’avantages que de désavantages pour les États-Unis. Toutefois, la domination du dollar américain n’est jamais un objectif en soi pour les États-Unis. C’est plutôt la stabilité et la solidité de la démocratie américaine et de ses institutions, y compris l’indépendance et la crédibilité de la Réserve fédérale, qui attirent le reste du monde vers le dollar américain qui l’adopte volontairement comme leur monnaie internationale de choix. 

 

Que faudrait-il qu’il arrive pour que le dollar perde encore plus de terrain en tant que monnaie de réserve? Quelle est la probabilité que cela se produise?

Josh Hirt : Plusieurs scénarios laissent entrevoir cette possibilité, mais la probabilité et l’incidence potentielle de chacun sont différentes. 

Le premier et le plus probable est ce que nous appelons le scénario de la « marée montante », où, à long terme, d’autres pays continuent d’approfondir leurs marchés financiers, d’améliorer leurs institutions et de favoriser l’adoption de la monnaie. En raison de la longue durée de ce scénario, le monde s’ajusterait probablement de façon graduelle au changement, ce qui se traduirait par des coûts de transition minimes, et, dans l’ensemble, le résultat pour le système financier mondial serait possiblement positif. 

Le deuxième scénario est ce que nous appelons le « dilemme de l’innovateur » qui implique des innovations technologiques qui surpassent les innovations en matière de paiement et de réglementation et qui conduisent à une situation où la confiance dans la technologie remplace la confiance dans les nations souveraines1. Les récentes avancées des cryptomonnaies et leur emballante technologie de chaîne de blocs en sont un exemple. Cependant, au-delà du manque de surveillance des cryptomonnaies, il existe des failles majeures dans leur économie monétaire qui, selon nous, les empêchent d’être adoptées et largement acceptées comme moyen d’échange et comme réserve de valeur à grande échelle. 

La jetonisation, dans ce cas-ci des opérations anonymes, semble être le principal attrait des cryptomonnaies, mais cette caractéristique n’est pas nécessaire pour les grandes transactions internationales en monnaie de réserve. Par ailleurs, l’avantage supposé de remplacer une autorité émettrice centrale par une règle algorithmique fixe qui régit son offre expose sa valeur à une volatilité extrême. L’offre ne peut pas suivre les fluctuations extrêmes de la demande et de l’humeur des investisseurs. De plus, les grandes banques centrales commencent à tirer parti de la technologie de la chaîne de blocs pour mettre au point leurs propres versions numériques de monnaies officielles, sans les lacunes des cryptomonnaies privées. Selon nous, la probabilité de ce deuxième scénario est faible.

Le troisième scénario potentiel serait la mauvaise gestion de l’environnement économique ou politique aux États-Unis. Il pourrait s’agir d’une crise budgétaire ou d’une perte de confiance sans précédent dans notre système politique. Nous qualifions ce scénario de « faute directe » et pensons qu’il pourrait provoquer le choc le plus négatif, d’autant plus que la transition pourrait devoir se faire rapidement et que la pénalité pour les marchés financiers serait coûteuse. Compte tenu des conséquences possibles, nous pensons que la probabilité d’un tel scénario est faible.

Roger Aliaga-Díaz : La raison pour laquelle le dollar est si fortement utilisé comme monnaie de réserve se résume à la confiance et aux solutions de rechange. Chacun de ces scénarios décrit soit une érosion de cette confiance, soit des avancées des solutions de rechange, simplement par un élan différent et sur un échéancier différent. Mais les gens ont encore énormément confiance dans le dollar américain et dans les institutions démocratiques qui le soutiennent. Cela est manifestement évident, en raison de son utilisation généralisée et soutenue à l’échelle mondiale.

 

1 Cette phrase a été formulée par Clayton M. Christensen dans son livre The Innovator’s Dilemma: When New Technologies Cause Great Firms to Fail, publié pour la première fois en 1997. Les éditions subséquentes avaient des sous-titres différents.

 

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Date de publication : avril 2024

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